Histoire de la Grèce (chapitre 5) : 1890-1913 en route vers la Guerre

1890-1900 : Les finances fragiles du pays, déclaré en faillite en 1893, ne vont pas arrêter Georges dans sa quête de grandeur et de popularité. Il enchaîne les grandes annonces :  ouverture du Canal de Corinthe (1893), organisation des premiers Jeux Olympiques modernes à Athènes (1896, qui voit le sacre au marathon d'un simple berger grec, Spyridon Louis). Quand en 1897 survient une nouvelle rébellion en Crète, le roi décide de répondre à l'aspiration populaire et mobilise son armée malgré le blocus immédiat des trois Puissances (Grande Bretagne, France, Russie). Il se laisse emporter par les éléments les plus nationalistes de son gouvernement, et ouvre un deuxième front simultané en Macédoine sous le commandement de son fils aîné Constantin. Sa popularité atteint des sommets, et des citoyens se mobilisent pour rejoindre le combat vers l'unification de tous les territoires Grecs, la Grande Idée si chère à tous les Grecs depuis leur indépendance. Las, l'enthousiasme ne compense pas l'impréparation et l'infériorité numérique : l'armée grecque doit battre en retraite en à peine 30 jours, et les Britanniques interviennent pour éviter un désastre.

 

L'humiliation est totale : il faut renoncer à la Crète et verser un tribut exorbitant aux Ottomans, alors que les caisses sont vides, et que les créanciers ont déjà été mis à la diète depuis la faillite de 1893... Les Puissances imposent alors la Commission Internationale Financière (CIF), qui contre le nouveau prêt octroyé pour régler le conflit, rééchelonne sur 81 ans toute la dette encore due depuis la création du pays. 

 

Le détail des sommes en jeu mérite qu'on s'y attarde : 

Total prêté 151 millions francs or ;

dont tribut versé aux Ottomans : 94 millions

dont reprise de la dette encore due : 31,5 millions

dont couverture du déficit budgétaire de 1897 : 22 millions

dont commissions bancaires : 3,5 millions (un prix d'ami à n'en pas douter...)

 

Pour être sure de se faire payer, la CIF prélèvera jusqu'en 1978 directement des droits sur des sources aussi variées que le tabac, le pétrole, les allumettes, les cartes à jouer et la pierre d'émeri de Naxos. Le palais présidentiel actuel était à l'origine le siège de la CIF.

Une telle débâcle plonge le pays dans l'agitation politique, et en 1898, le roi doit faire face à une première tentative d'assassinat. 

 

1900-1910 : La Crète, devenue territoire autonome de l'Empire Ottoman, voit l'émergence d'un nouvel homme politique : Eleutherios Venizelos.

En mars 1905, il proclame la création d'une nouvelle assemblée nationale crétoise, qui vote la réunion de l’île avec la Grèce.

Échaudé par la défaite de 1897, le roi ne peut se décider à intervenir directement, et laisse la main aux Britanniques qui veulent ménager l'Empire Ottoman. La révolution de 1908 des Jeunes Turcs contre le Sultan Ottoman Abdulhamid II donne des ailes aux partisans de Venizelos, en Crête comme en Grèce. Lassés des tergiversations du roi et des humiliations subies, un groupe d'officiers tente un coup d'Etat en 1909 pour renverser le gouvernement et exiger la radiation des fils du roi en tant que chefs militaires. Pour désamorcer la situation, Constantin démissionne et se réfugie en Allemagne avec son épouse (la sœur du Kaiser). Dans la foulée, de nouvelles élections sont organisées et Vénizelos devient premier ministre de la Grèce en 1910.

Conscient de la fragilité tant politique qu'économique du pays, Venizelos donne des gages aux partisans du roi en réinstaurant ses fils dans leurs fonctions militaires. Le temps presse ! Il faut moderniser l'armée pour faire face aux menaces qui surgissent dans les Balkans au fur et à mesure que l'Empire Ottoman se disloque. Il décide de miser l'essentiel du peu de moyens disponibles sur la Marine en se dotant de nouveaux bâtiments modernes et notamment le cuirassé le plus puissant de la mer Egée, l'Averof. Cela pousse les Serbes et les Bulgares à intégrer la Grèce dans leur alliance contre l'ennemi Turc.

Octobre 1912 : Après l'Albanie, c'est le Monténégro qui déclare son indépendance et déclenche la première guerre des Balkans. Elle oppose la Bulgarie, la Serbie et la Grèce à la Turquie, mais aussi, indirectement, la Grèce à la Bulgarie pour le contrôle de la Macédoine.

Contre l'avis de Constantin qui voulait prendre sa revanche en attaquant le commandement central des Turcs à Bitola, Venizelos pousse à la conquête prioritaire de Thessalonique, capitale historique de la Macédoine, afin d'asseoir la primauté de la Grèce sur tout ce territoire. L'armée met 20 jours pour arriver aux portes de la ville et obtient la reddition du gouverneur Turc quelques heures avant l'arrivée des Bulgares, qui sont furieux du fait accompli. Les ferments d'un nouveau conflit sont plantés...

18 mars 1913 : Lors d'une visite à Thessalonique, et alors qu'il venait d'annoncer à ses fils qu'il comptait abdiquer en faveur de Constantin avant la fin de l'année, le roi Georges Ier est assassiné par un anarchiste d'un coup de feu en pleine rue. Pour éviter toute agitation, le gouvernement annonce qu'il s'agit d'un voleur ivrogne. Deux mois plus tard la 1ère guerre Balkanique prend fin, et le territoire grec s'est considérablement agrandi : la Crète, l'Epire, une partie de la Macédoine, et de nouvelles îles en mer Egée en font désormais officiellement partie. Mais l'accession au trône de Constantin, beau frère du Kaiser allemand et novice en politique laisse planer de nouvelles menaces sur le royaume de Grèce qui allait connaitre dix années de guerre...