Chap. 8-Partie 1 : 1940-1944 le sang, les larmes, et la faim

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1941 : Les Allemands hissent le drapeau Nazi devant l'Acropole

Octobre 1940 - avril 1941 : en à peine 6 mois, le pays connaîtra la fierté immense d'être l'un des premiers Alliés à repousser les forces de l'Axe, et la douleur encore plus aigüe de passer sous une triple Occupation.

Mussolini, qui avait proclamé l'annexion de l'Albanie au printemps 1939, se voyait comme le restaurateur d'un Empire Romain élargi. Il voulait aussi rétablir l'équilibre avec son allié, l'Allemagne nazie, qui avançait sur tous les fronts sans le consulter.

Sans même attendre la réponse à son ultimatum, il attaque dès le 28 octobre 1940. Toute la Grèce se mobilise dans l'effort de guerre, mettant de côté ses dissensions. L'armée grecque s'était déjà retranchée dans le massif du Pinde, et grâce à la passivité des Bulgares, put se regrouper et stopper l'avancée italienne en quelques jours.  En décembre, les envahisseurs étaient refoulés hors des frontières du pays !

Après l'échec d'une ultime offensive menée par Mussolini lui-même en mars 1941, Hitler décida d'intervenir en traversant le territoire de son allié Bulgare, contournant l'essentiel des forces Grecques figées face aux Italiens. Forts de leur supériorité écrasante en nombre et en équipement, les Nazis envahissent la Macédoine grecque, et coupent les lignes de ravitaillement grecques. Confrontés à la perspective d'un massacre de leurs troupes, les généraux sur le terrain arrêtent les combats et demandent l'armistice. En 20 jours, Athènes est prise. Pour les hommes qui avaient tenu tout l'hiver dans le Pinde sans rien céder à l'ennemi, la reddition est particulièrement amère. Le 1er ministre Korizis, qui avait succédé à Metaxas en janvier, se suicide. Le reste du gouvernement s'exile au Caire.

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Mai 1941 : Invasion aéroportée de la Crête

Mai 1941 : la bataille de la Crète.

Fuyant l'avancée fulgurante des Nazis, les unités encore libres de l'armée grecque se regroupent en Crète, où se trouvait aussi le siège régional des forces alliées britannique, australienne et neo-zélandaise.  Les Allemands lancent la 1ère attaque aéroportée : 15000 paras sont largués sur l’ile, appuyés par 8000 chasseurs débarqués par mer. Malgré leur victoire obtenue en 10 jours, ils perdent près de 6000 hommes, ce qui provoque leur fureur.  En représailles, ils se déchainent sur la population civile : dans les seuls villages d'Alikianos et de Kandanos, 375 civils sont froidement exécutés entre juin et juillet 1941.

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1941 : Pillage d'une boutique d'Athènes par les soldats Nazis

Juin 1941-octobre 1943 : la triple Occupation.

Soucieux d'économiser leurs effectifs, les Allemands divisent le pays en trois zones d'occupation et cèdent la grande majorité du territoire grec à leurs alliés Italiens et Bulgares, se réservant les zones jugées stratégiques.

-Pour soutenir leur effort de guerre, les Nazis se livrent au pillage systématique des ressources du pays qui, aggravé par le blocus maritime des Britanniques, cause la pire famine de l'histoire grecque : en hiver 1941-1942 on compte plus de 40000 morts rien qu'autour d'Athènes et du Pirée. La mairie d'Athènes organise un service quotidien de ramassage des corps dans les rues, enterrés dans des fosses communes sans cérémonie.

-Les Bulgares trouvent l'occasion de réaliser leur rêve de Grande Bulgarie en annexant une partie de la Thrace occidentale : une "bulgarisation forcée" est imposée, avec interdiction de parler le grec,  baptême collectif forcé de la minorité musulmane, déportation d'officiels et notables grecs. Les inscriptions en langue grecque sont effacées, y compris jusque sur les tombes ! On exproprie pour permettre à de nouveaux occupants venus de Bulgarie de s'installer. Toute manifestation est écrasée dans le sang, comme à Drama. La brutalité de ces mesures pousse plus de 100000 habitants à fuir la zone administrée par les Bulgares dès la fin 1941.

-La zone occupée par les Italiens est la plus vaste, et la plus montagneuse. Des exactions sur les populations civiles ont aussi eu lieu, en réponse à des actes de résistance. Toutefois, les Grecs de religion juive y furent protégés des Nazis, qui envoyèrent à leur mort tous les juifs présents sur leur zone, surtout à Thessalonique, soit 46000 personnes.

Combattants et combattantes de l'EAM-ELAS
Combattants et combattantes de l'EAM-ELAS

1941-1943 : Collaboration et Résistance.

Les Nazis choisissent le général Tsolakoglou, victorieux face aux Italiens, mais aussi à l'origine de l'armistice, pour diriger un gouvernement fantoche. Honni par la population, il est remplacé en 1942 par un politique Monarchiste, Ioannis Rallis. Il met en place en 1943 les Bataillons de Sécurité, milice supplétive aux Nazis.

La rapacité et la brutalité des occupants, le désespoir face à la misère et la faim, alimentent la volonté de résister partout dans le pays. Deux branches rivales se distinguent : d'un côté l'EAM-ELAS, affilié aux Communistes, de l'autre l'EDES, proche des partisans de Vénizelos et des Britanniques. Aux soulèvements désordonnés rapidement réprimés succèdent des actions mieux planifiées et de plus en plus dévastatrices pour les occupants : en juillet 1943, plusieurs villes de Grèce centrale (Karditsa, Trikala, Grevena, Metsovo) sont aux mains de l'EAM-ELAS, et déclarés 'libres'. 

Septembre 1943 : l'Italie capitule. L'Allemagne reprend le contrôle de la zone italienne, et mène une répression impitoyable. Suite à la perte de 77 soldats lors d'une embuscade dans le nord du Péloponnèse, les Nazis exécutent la totalité des hommes en âge de se battre du bourg de Kalavrita, soit 677 personnes. Certains n'avaient que 13 ans. D'autres villages (Distomo, Kommeno, Anogeia...) connaissent le même sort. Au total, il est estimé qu'entre 40 et 50 mille Grecs furent exécutés en représailles d'actes de résistance par les trois occupants pendant cette guerre.

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12 octobre 1944 : libération d'Athènes

1944 : Fin de l'Occupation et luttes intestines.

Au fur et à mesure que les Allemands se repliaient, les rivalités entre les résistants s'aggravent : l'EAM-ELAS est la première force sur le terrain, n'hésitant pas à attaquer les autres mouvements pour s'imposer. En avril 1944, il organise des élections clandestines auxquelles participent 1 million de Grecs, y compris à Athènes qui était encore occupée. Fort de cette légitimité, il appelle à la création d'un gouvernement d'union nationale en Grèce, ce qui a un grand écho auprès des Grecs engagés dans les forces alliées en Afrique du Nord. Les Britanniques, qui redoutaient les Communistes, interdisent au 1er ministre en exil de démissionner provoquant des mutineries au sein de ces troupes, et la mise aux arrêts de près de 20000 hommes dans des camps en Libye et en Erythrée. Les Britanniques proposent alors à Georgios Papandréou, ancien ministre respecté et connu pour ses positions anti communistes, de mener les pourparlers avec les différentes factions pour asseoir son autorité et unifier le pays, ce qu'il réussit brièvement.

Au départ des Allemands le 12 octobre 1944, la situation parait maitrisée, malgré les tensions : Athènes est en liesse, les collaborateurs les plus connus sont arrêtés sans débordements, et G. Papandréou est acclamé par toutes les factions comme chef du gouvernement de la libération. Mais Papandréou avait accepté que toutes les factions se placeraient sous commandement Britannique, et le climat de méfiance entre eux et les Communistes empêcha tout accord sur le désarmement des unités de l'EAM-ELAS et leur intégration dans une armée nationale régulière. La situation devint intenable quand il apparut évident que les Britanniques cherchaient à récupérer les ex-Bataillons de Sécurité pro-Nazis pour les aider à faire le poids face à l'EAM-ELAS.

 

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déc. 1944 : les chars britanniques investissent le siège de l'EAM à Athènes

Décembre 1944-janvier 1945 : "Les évènements de décembre", déclenchement de la Guerre Civile.

1/12/1944 : Le commandant des forces Britanniques Général Scobie exige le désarmement immédiat de l'EAM-ELAS, qui refuse et retire ses ministres du gouvernement d'union nationale de G. Papandreou. Les appels à manifestation et à la grève générale se multiplient.

3/12/1944 : malgré l'interdiction par la police, un grand nombre de manifestants se rassemble au centre d'Athènes, et la police tire à balles réelles faisant 29 morts,  ce qui déclenche une véritable insurrection. G. Papandreou présente sa démission au général Scobie, qui la refuse.

4/12/1944 - 5/01/1945 : pendant un mois, les Britanniques avec les groupes armés résistants non communistes, mais aussi les ex-Bataillons de Sécurité, vont s'affronter militairement aux combattants de l'EAM-ELAS. Ce fut le seul moment de la guerre où des combats à l'arme lourde se déroulèrent dans les rues d'Athènes.

 Alors que certaines îles du pays n'avaient pas encore été libérées de leurs garnisons allemandes, la Grèce s'enfonçait dans 4 années de guerre civile.

 

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